[EDITO] COVID : Heureux comme un CAC 40 en été

Près de 60 milliards de profits cumulés au premier semestre de cette année pour les 40 meilleures entreprises françaises. Une augmentation de 41 % par rapport aux six premiers mois de 2019.  Le COVID a transmis la fièvre boursière. 

Le CAC 40 (cotation assistée en continu) ce sont les 40 entreprises françaises, fleuron de l’économie, dont les volumes d’échanges de titres sont les plus importants. Cet indice est le plus suivi à la bourse de Paris, sa baisse est interprétée comme un déclin de santé économique.

Ce premier semestre d’échanges boursiers a été profitable aux banques, assurances, constructeurs automobiles et aéronautiques, producteurs d’énergie et équipementiers, laboratoires pharmaceutiques et géants du luxe.

 

Les raisons de cette hausse

Selon la Tribune « les politiques de soutien à l’économie des gouvernements et des banques centrales, et le maintien des politiques monétaires accommodantes rendent les investisseurs confiants. Même le risque d’un dérapage de l’inflation à long terme ou la menace de la résurgence de l’épidémie de Covid-19 via le variant Delta ne semble pas inquiéter – pour le moment la place financière. » Les géants du luxe, tel LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy) ont enregistré leur plus grosse capitalisation (50 % depuis janvier 2021). Ils ont profité notamment d’une forte demande chinoise dont l’économie est repartie beaucoup plus rapidement que dans la plupart des pays européens. L’Oréal, autre fleuron français, a suivi le même parcours express en s’adjugeant 38 % de plus sur le premier semestre 2021.

 

Les banques ont du coffre

À cause de la crise du COVID, les banques qui craignaient les faillites de plusieurs entreprises avaient fortement augmenté leurs provisions pour risques. De plus grâce à l’intervention de l’État Providence, et aux soutiens des banques centrales, elles ont pu réinvestir ces provisions grâce à la stratégie de protection de l’économie mise en place tant par l’Union Européenne que par la France.  Les impayés de crédit des sociétés que les banques craignaient n’ont presque pas été utilisés. Ainsi réinvestis ils ont permis à BNP Paribas de voir son résultat d’exploitation bondir de 46 % sur le premier semestre 2021.

 

Signe des temps : certaines rémunérations rebondissent aussi

Bruno Lemaire, ministre de l’Économie avait demandé un tant soit peu de modération durant la pandémie s’agissant de la redistribution des dividendes et des émoluments des responsables de grands groupes industriels. Malgré ces recommandations, le petit rattrapage salarial a bien eu lieu. Selon le décompte calculé par Capital (10 août) « [] les grands patrons devraient toucher 30% de plus qu’en 2020. Pour être précis, leur rémunération moyenne devrait s’élever à 5,3 millions d’euros contre 3,8 millions d’euros l’année précédente soit une hausse d’1,5 million d’euros. » Pour le dire simplement, leurs émoluments vont être supérieurs de 500 000 euros par rapport à ce qu’ils avaient perçu en 2019. Les soignants, les employés de grande surface, les enseignants et tous les premiers de cordée apprécieront certainement cette redistribution égalitaire.

Mais qu’ils se rassurent. A la veille de l’ouverture de l’université d’été du Medef, le ministre de l’Économie voulant afficher une image de rigueur, a demandé le 23 août aux entreprises de participer à la redistribution des fruits de cette reprise économique. L’INSEE prévoit en effet une croissance économique de 6 % cette année et il “attend des patrons qu’ils embauchent massivement des jeunes, des apprentis” et “une meilleure rémunération pour ceux qui ont les revenus les plus faibles”.

Hypocrisie ? Demande surprenante car depuis 2017, il a toujours insisté pour que ne soit donné aucun « coup de pouce » au SMIC. Changement de politique en vue de la campagne présidentielle ?

Le président de la République lors de son entretien du 14 juillet affirmait qu’il faisait de la « modération salariale » le cœur de sa politique économique. Il ajoutait que « le salarié qui accepte dans cette période de faire un effort, le jour où ça va mieux, aurait droit aussi à sa part du mieux ».

Contrairement aux propos d’Emmanuel Macron, les salariés sont toujours les oubliés des fruits de l’économie et les salaires ne profitent pas des rebonds de l’économie. Selon l’Insee, dans un article publié par Mediapart (24 août) « Les chiffres publiés début août par l’Insee le confirme. Alors qu’en 2020, le revenu disponible brut par unité de consommation, c’est-à-dire par ménage réel, a stagné, il a reculé de 0,6 % au premier trimestre 2021. Or, en parallèle, le taux de marge des entreprises, une des mesures de la répartition entre capital et travail, bondissait, lui, au cours des trois premiers mois de 2021 à 36,1 %, un record absolu. Ce taux de marge avait certes reculé de 1,5 point en 2020 en moyenne à 31,7 %, mais il semble que la récupération soit spectaculaire. Et qu’elle se fasse logiquement au détriment des salaires. » Romaric Godin ajoute dans son article qu’« en France en 2021 et contrairement à ce que beaucoup prétendaient l’an passé, les salariés sont bien les derniers servis par le rebond de l’économie. »

On ne sait pas encore si le ruissellement annoncé par le Président de la République sera aussi fort que les pluies diluviennes de cet été, mais les simples salariés n’ont pas de quoi être rassurés par ces revirements politiques.

 

Les labos en ont plein la fiole

« Pourvu que le COVID revienne tous les ans comme la grippe ». C’est ce que doivent secrètement penser les laboratoires comme Pfizer dont la pandémie a généré un chiffre d’affaires de 33 milliards de dollars. Tout aussi heureux sont les actionnaires de Moderna dont les ventes devraient rapporter aux alentours de 22 milliards de dollars sans compter les commandes déjà en cours s’élevant à 12 milliards de dollars.

Les pays riches sont pris dans le bras de fer de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Les pays pauvres n’ont pu immuniser qu’un faible pourcentage de leur population et l’OMS demande un moratoire sur les doses de rappel (troisième injection) que l’Allemagne, Israël, les États-Unis et d’autres pays destinent notamment aux personnes âgées.

Il est admis que le monde aura besoin de 11 milliards de doses pour en finir avec la pandémie et que la science des vaccins soit partagée avec des fabricants qualifiés partout dans le monde. Les actionnaires des laboratoires sont-ils disposés à partager leurs dividendes ?

On pouvait penser naïvement que les temps avaient changé. La finance nous démontre le contraire. Les utopies annonçant les beaux jours ne sont pas pour tout le monde.

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