Controverse(s) : les lanceurs de lettres sur le Net

Et si le débat citoyen ne se limitait pas aux seules campagnes électorales ? Il existe une tendance d’un retour vers le local pour créer des brèches. Le chemin risque d’être long, mais la pandémie a généré de nouvelles initiatives sur les territoires. C’est le défi lancé à Nîmes par les créateurs de CONTROVERSE(S).

C’est parce qu’on célèbre plus la démocratie participative qu’on ne la pratique que les membres de CONTROVERSE (S) ont créé un lieu d’échanges et de paroles dans le but de susciter le débat en abordant chaque thématique au travers de deux points de vue opposés. Les” Pour” et les “contre” exposent leurs arguments. Pour les responsables des collectivités locales l’impératif participatif n’est parfois qu’un moyen de réassurer leur place dans l’espace local, de mettre en scène une capacité d’écoute sans aller plus loin. Pour Catherine Bernié-Boissard et Claude Allet, la démocratie participative suppose que tout ne se résume pas à un programme élu. Inviter leurs lecteurs à réagir ou à se faire leur propre opinion sur des questions concernant la culture, la sécurité, les SPL (sociétés publiques locales), autant de sujets locaux et nationaux qui génèrent plus d’une centaine de réactions que CONTROVERSE(S) synthétise mensuellement.

 

Le petit Gardois : Comment est né ce projet de solliciter les citoyens de Nîmes et des environs pour leur demander de s’exprimer, de donner des arguments et leurs idées sur des sujets qui sont débattus “ailleurs” dites-vous ?

Catherine Bernié-Boissard : j’ai été élue plusieurs années et pendant mes mandats j’ai souvent constaté qu’il était difficile d’avoir des débats publics contradictoires où l’on s’écoute, où l’on échange, et où l’on fait connaître nos arguments afin de mieux éclairer les citoyens. C’est pour cette raison que Controverse(s) a vu le jour pendant la pandémie. On ne savait pas trop comment tout cela allait évoluer et ça nous a obligés à nous poser des questions qu’on ne se posait pas de la même manière. La COVID a bouleversé notre mode de vie, on ne réfléchit pas à l’avenir dans les mêmes conditions. Pendant cette période ma disponibilité m’a permis de créer sur Facebook un groupe En ville, le jour d’après : partageons nos idéesafin de réfléchir “Au monde d’Après”.

Claude Allet : La pandémie nous a permis de sortir “de la dictature de l’ordre du jour” des conseils municipaux ou communautaires. Pour la plupart, les politiques publiques s’élaborent dans ces instances de manière “fermée”, ne supportant pas la contradiction. On constate une certaine lourdeur et des habitudes de fonctionnement qui ne permettent pas d’avoir une idée précise sur l’ensemble des dossiers soumis au vote.

 

LPG : Les élus d’opposition siègent dans ces instances, leur rôle est quand même de pointer ce qui mérite des explications complémentaires, ce qui est flou ou qui leur paraît non conforme ?

Claude Allet : Certes. Mais comment échanger et débattre sereinement sur autant de points portés à un ordre du jour. Certains dossiers concernant les investissements et le fonctionnement sont complexes et comprennent bon nombre de pages et d’annexes qu’il faut avoir le temps d’étudier. Entre le moment de la réception du dossier et le jour du vote, le temps imparti aux élus siégeant n’est pas suffisant. La démocratie ne se réduit pas à voter une fois tous les cinq ans et à laisser les choses se faire. Ce n’est pas un chèque en blanc que l’on donne aux élus. Les jeux de pouvoir sont aussi un paramètre important dans les conseils municipaux ou communautaires et les alliances ne se font pas forcément dans le sens voulu par l’intérêt public.

Catherine Bernié-Boissard : C’est une question de choix et d’orientation politique, de choix de gestion. Par exemple à Nîmes on constate qu’il n’y a pas de conseil de développement à l’agglomération. Dans ce conseil toutes les catégories de la population sont représentées, elles peuvent avoir accès aux dossiers et interpeller les élus. Mais comment étudier sérieusement une multitude de dossiers quand on les reçoit quelques jours avant qu’ils soient votés ? Il est impossible dans ce cas de mobiliser des citoyens pour venir les consulter avec nous. Il manque des instances intermédiaires, des instances de coordination, de consultation qui pourraient être mises en place, la loi le permet, la réglementation le permet. Et ce qu’il manque réellement c’est une évaluation des politiques publiques. Des investissements lourds sont votés chaque année à l’agglo et à la ville. Quelle est la pertinence de ces investissements ? Faut-il les poursuivre ? les modifier ?

 

LPG : Les sujets que vous soulevez sont nombreux, essentiellement sur Nîmes et l’agglomération. Ils traitent autant de la culture, de la santé, des SPL, de prévention, etc. Que cherchez-vous par là ? Est-ce que le fait de poser le problème “pour” ou “contre” tel que mentionné dans votre revue suffit à ce que les citoyens se positionnent ?

Catherine Bernié-Boissard et Claude Allet : Le but est avant tout d’engager une démarche, un débat. Les sujets sont choisis de manière consensuelle et de manière à intéresser le plus grand nombre de lecteurs. Il ne s’agit pas d’avoir une réflexion extrêmement approfondie et d’aboutir à un résultat définitif. Cette formule, surtout en période de pandémie, permet d’engager le dialogue, d’engager cette démarche de débat contradictoire, de controverse. Elle est appelée à se développer dès qu’on pourra retrouver une vie normale. Par exemple en organisant des débats où les échanges pourraient avoir lieu en “présentiel”. Nous n’allons pas créer une association, mais on souhaite que cela se poursuive de manière informelle.

 

LPG : Vous ne craignez pas d’être récupérés par des partis politiques ? Vous êtes marqués politiquement à gauche ? On ne va pas vous assimiler à un mouvement politique ?

Claude Allet : je me suis toujours battu pour que les idées circulent et soient récupérables. Quelle que soit la municipalité ou l’agglomération, qu’elle soit de droite ou de gauche, à partir du moment où elle met en œuvre les pistes que nous soulevons, et bien, on ne va pas s’en plaindre.

Catherine Bernié-Boissard : Les idées sont faites pour circuler et être partagées, pour transformer l’existant.

 

LPG : Est-ce que vous ne craignez pas que par votre moyen de diffusion vous ne touchiez qu’une catégorie de la population ? D’intéresser que les personnes déjà sensibilisées à “la chose publique”, et que les “abstentionnistes” continuent de s’abstenir ?

Catherine Bernié-Boissard : Nous restons très modestes dans notre démarche, nous n’avons pas la prétention de nous adresser à un public très large. On sollicite effectivement des personnes qui nous ressemblent, c’est le propre de toute action de ce type-là. Nous allons voir comment va évoluer notre démarche et nous adapter en fonction des personnes que cela va intéresser.

Claude Allet : Des échanges sur les sujets que nous abordons apparaissent dans le cadre des campagnes électorales, et aussitôt les votes réalisés, c’est fini, les jeux sont faits ! Il y a bien entendu des élus qui rendent compte de leur travail, mais la population est très peu informée et n’a à sa disposition que les revues des collectivités (région, département, agglo, etc..) qui ne sont en gros que des catalogues à la gloire de ceux qui les dirigent.

Notre objectif est de faire vivre quelque chose, mais de manière modeste, de faire en sorte que les débats ne se déroulent pas seulement pendant les périodes électorales.

 

LPG : Est-ce que votre démarche ne risque pas d’être catégorisée dans un parti politique ?

Catherine Bernié-Boissard : Tous ces mouvements comme Nouvelle Donne, Place Publique, Génération. s, sont nés d’un manque de débat et d’absence de prise en compte d’idées et de propositions émanant des citoyens, d’un besoin d’expression, d’échanges, de débats contradictoires. Nous, notre ambition n’est pas de faire des propositions de type électoral ou politique, on a simplement l’ambition d’ouvrir le débat, de donner des arguments, de les réfuter, d’où notre “pour” ou “contre”.

 

LPG : Votre but est quand même que soient récupérés par les décideurs publics les “pour” et “contre” de votre journal ? C’est une autre étape ?

Claude Allet : Notre démarche en est à ses prémices. Nous avons globalement une centaine de personnes qui ont échangé sur les différents sujets proposés. Après les élections municipales nous nous sommes interrogés pour parler de la suite du projet. L’angle de Controverse (s) est rarement présent dans toutes les publications des décideurs. Nous n’avons absolument pas l’ambition de nous transformer en pseudo-parti. Les pouvoirs publics ne remplissent pas leur rôle dans la diffusion de l’information aux citoyens. Un seul exemple : le tarif de l’eau n’a pas été mis à jour depuis le début de l’année, et on pourrait allonger la liste. Notre objectif est que le citoyen soit informé, et participe à la réflexion pendant la durée des mandats. Il s’agit de sortir de la démocratie par délégation pour avoir une démocratie plus participative.

 

LPG : Quelles sont les personnes qui participent à votre édition et prennent position “pour” ou “contre” ?

Catherine Bernié-Boissard : c’est très divers. Certaines sont engagées, d’autres pas. La démarche les intéresse, on a constaté aussi par nos rencontres que des gens ne participent pas mais lisent avec intérêt CONTROVERSE(S)

 

LPG : Réalisez-vous une synthèse des “pour” et des “contre” qui vous sont transmis ?

Catherine Bernié-Boissard : Au tout début, soyons clairs, c’était une synthèse du groupe qui a fondé CONTROVERSE(S). Depuis quelques numéros et pour les prochains, nous résumons les prises de position que nous recevons. Avant chaque thème abordé nous posons en amont trois questions simples qui permettent au lecteur de répondre.

Claude Allet : Ce qui nous importe c’est la diversité des arguments avancés, le nombre de personnes n’est pas forcément significatif, ce n’est pas une représentation de l’opinion au sens strict.

 

LPG : Vous ne concluez pas, mais vous employez “pour aller plus loin”.

Catherine Bernié-Boissard : On ne conclut pas en donnant vainqueur “les pour” ou “les contre”. Nous disons que le dialogue est ouvert, nous n’avons pas à trancher. Dans notre groupe nous avons aussi des “pour” et des “contre”.

Claude Allet : La partie “sans conclure” donne un axe où tout n’est pas “tout noir” ou “tout blanc”, mais comment tirer parti des deux positions, et comment corriger ce qui doit l’être.

 

LPG : Vous traitez un à deux sujets par parution, n’est-ce pas réducteur ?

Catherine Bernié-Boissard : C’est un choix. La formule pourrait évoluer, nous n’avons pas la prétention d’être des experts en analysant de manière pointue chaque sujet. Nous donnons des éléments de débat, de discussion, nous ne sommes pas un parti politique, on ne donne pas de consignes, on présente les arguments, à chacun de se faire son idée.

Claude Allet : Aujourd’hui le temps de lecture est réduit. On reçoit des quantités d’informations par tous les créneaux, au travers de CONTROVERSE (S) nous voulons être des déclencheurs sur des sujets précis

 

LPG : La problématique des sujets traités est-elle plutôt sur le territoire nîmois et où peut-on trouver votre média ?

Claude Allet : les lecteurs qui nous interpellent souhaitent que l’on centre nos sujets sur le territoire nîmois, Les premiers sujets auraient pu s’adresser à tout autre territoire, la place du vélo, autosuffisance alimentaire, les crises. On a déjà l’ordre du jour des prochains numéros dont l’université… Chacun d’entre nous diffuse dans son réseau et les destinataires sont nos vecteurs de relais et de rediffusion. Nous n’avons pas établi une liste de destinataires. Sur internet nous avons créé le site CONTROVERSE(S) et une page facebook.

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