Balade dans le Gard : André Gide, ici et ailleurs
André Gide est né à Paris d’un père Uzétien et d’une mère Normande. Ces deux territoires vont compter dans la construction identitaire de l’écrivain qui « Du bord des bois normands évoque une roche brûlante — un air tout embaumé, tournoyant de soleil, et roulant à la fois confondus les parfums des thyms, des lavandes et le chant strident des cigales [1]. »
« Entre la Normandie et le Midi je ne voudrais ni ne pourrais choisir [,,,] je comprends à la fois l ‘Oc et l’Oïl, l’épais jargon normand, le parler chantant du Midi, […] je garde à la fois le goût du vin et le goût du cidre, l’amour des bois profonds, celui de la garrigue, du pommier blanc et du blanc » [2]. Cette appropriation de l’aspect géographique d’Uzès est liée à un espace plus précis : celui ou évoluait son père, Paul Gide [3], quand il s’occupait d’André, pour « des lectures de théâtre classique, farces médiévales, comédies italiennes, contes des Mille et Une Nuits […]. Paul Gide “musait et s’amusait de tout” : devinettes, “Loup y es-tu. Jeux articulés, de bêtes et de clowns”. » Dans Si le grain ne meurt, la représentation paternelle [est] toute auréolée de douceur et de mystère. [4]
À l’opposé, sa mère, Juliette « inculque à André la morale de l’effort et forge son identité. Si André ne respecte pas les règles, Juliette se met en colère et commence ses récriminations par : “ Toi, un Gide…” »[5]

Les trois territoires de Gide
Ces deux appartenances vont forger son identité. Ces deux « lieux qui comptent » sont à la fois des lieux d’attachements, des lieux d’appartenances, des lieux symboliques. Chaque individu est tissé de multiples espaces intimes. Pour Gide, les lieux d’origine de sa famille, les lieux dans lesquels il a vécu successivement, les lieux qu’il fréquente pendant ses vacances dans son jeune âge, les lieux de vie de ses proches, mais aussi des lieux plus imaginaires constituent en partie son patrimoine identitaire. Et pourtant, Gide est l’homme des trois tiers. Un tiers pour la Normandie, un tiers pour Uzès et un dernier tiers de nomadisme pour la découverte d’autres contrées. Il dira à ce propos : « Né à Paris d’un père Uzétien et d’une mère Normande, où voulez-vous, Monsieur Barres, que je m’enracine ? J’ai donc pris le parti de voyager [6] ».
L’Uzès de Gide
Lors de sa conférence prononcée à Uzès pour le vingt-sixième anniversaire de la mort d’André Gide, Daniel Moutote parle ainsi de l’écrivain : « Uzès est bien restée un lieu préservé de son cœur, […] Dans Si le grain ne meurt., après les aveux liminaires sur l’enfant pervers dans le chapitre I, le second chapitre s’ouvre comme une oasis de fraîcheur. D’abord l’arrivée à Uzès venant de Nîmes : (…) c’était la Palestine, la Judée. Les bouquets des cistes pourpres ou blancs chamarraient la rauque garrigue, que les lavandes embaumaient. Il soufflait par là-dessus un air sec, hilarant, qui nettoyait la route en empoussiérant l’alentour » [7]
Uzès sera gravée à jamais dans l’esprit d’André Gide. Tout au long de son œuvre les allusions à ses séjours uzétiens sont poétiques, anecdotiques, ou olfactives. On se souvient des petits plats confectionnés par sa grand-mère qui nous mettent encore l’eau à la bouche : « un tendre aloyau aux olives, un vol-au-vent de quenelles, une floconneuse brandade, ou le traditionnel croûtillon au lard [8] »
L’histoire d’amour d’Uzès et des Gide
Uzès reste profondément marquée par la famille Gide. Le Musée Georges Borias offre aux visiteurs différents objets leur ayant appartenu. Des dons offerts par Catherine Gide [9] permettent au Musée de s’enrichir d’originaux ayant appartenu à son père André dont le célèbre masque funéraire de Léopardi qui ornait son bureau.
Le boulevard Charles Gide ainsi que le lycée portent le nom de l’oncle d’André Gide. Il fut économiste et avec le pasteur Tommy Fallot fondateur de l’« association protestante pour l’étude pratique des questions sociales » à Nîmes.
Dans les pas de Gide
Pour rencontrer Gide, ici et ailleurs, dans son œuvre, et l’accompagner pour une balade printanière dans les environs d’Uzès, rien de tel que d’emporter avec vous Si le grain ne meurt, et de suivre ses pas sur le chemin de Gide. Promenade dont il disait :
“J’aimais passionnément la campagne aux environs d’Uzès, la vallée de la Fontaine d’Eure et, par-dessus tout, la garrigue. Les premières années, Marie, ma bonne, accompagnait mes promenades. Je l’entraînais sur le mont Sarbonnet, un petit mamelon calcaire, au sortir de la ville, où il était amusant de trouver, sur les grandes euphorbes au suc blanc, de ces chenilles de sphinx qui ont l’air d’un turban défait et qui portent une espèce de corne sur le derrière ; ou, sur les fenouils à l’ombre des pins, ces autres chenilles, celles du machaon, ou du flambé qui, dès qu’on les asticotait, faisaient surgir, au-dessus de leur nuque, une sorte de trompe fourchue très odorante et de couleur inattendue.”

[1] L’Occident,
[2] ibid
[3] Paul Gide fut magistrat et professeur de droit à la faculté de Paris
[4] Martine Sagaert, Toi, Un Gide…, in Balade dans le Gard, Sur le pas des écrivains, Éditions Alexandrine
[5] ibid.
[6] L’Ermitage, février 1898.
[7] André Gide, Si le grain ne meurt
[8]ibid.
[9] La Fondation – Fondation Catherine Gide – patrimoine d’André Gide
N.D.L.R. : Les photos ont été publiées avec l’aimable autorisation de la Fondation Catherine Gide