BD « Camp Poutine » : des promesses, des mensonges, des secrets, on s’amuse bien au Camp Poutine !
La semaine dernière, un soir, en zappant sur les chaînes de télévision, mon regard s’est posé sur la chaîne LCP qui diffusait alors le troisième volet d’un documentaire : « Goulag, une histoire soviétique » de Patrick Rotman. À la fin de ce documentaire un débat avait lieu autour d’un journaliste chroniqueur de politique international spécialiste de la Chine, Pierre Haski, de la journaliste de Libération, Laurence Defranoux, du directeur exécutif adjoint de Human Right Watch, Bruno Stagno, et de l’animateur Jean-Pierre Gratien. Celui-ci posait alors comme sujet de fond la problématique suivante : « Des Goulags existent-ils encore quelque part sur la planète ». Il y fut question alors de la situation en Chine en faisant le distinguo entre camp de travail forcé et camp de rééducation idéologique.
Le scénariste Aurélien Ducoudray et la dessinatrice Anlor ont choisi le thème des camps d’entraînement à l’époque contemporaine pour dépeindre une Russie selon leurs visions. « Camp Poutine » est plus qu’un reflet d’une idéologie, c’est une plongée au cœur de la Russie et de ses habitants, pleins de secrets, de mensonges et de supercherie.
Camp Poutine – Tome 1 : « Un seul jeu, une seule règle : défendre les intérêts de la Russie. »
Chaque année, des enfants de toute la Russie viennent en séjour au camp Poutine. Au programme, vie en groupe et activités militaires, pour découvrir la vie au grand air, et surtout pour les entraîner à devenir de vrais défenseurs de la grande Russie contre ses ennemis de toutes parts : Européens, Tchétchènes, Ukrainiens, mais surtout les armées de Daesh.
Pour Katyusha, jeune fille un peu secrète, c’est le deuxième passage par le camp. Elle compte bien de nouveau gagner toutes les épreuves du concours pour remporter la rencontre en tête à tête avec Vladimir Poutine.
Ce premier Tome, plante le décor et les personnages. Ainsi le lecteur apprend à découvrir le commandant du camp et son fils Anton, ainsi que tous les enfants participants à ce camp d’entraînement. Pourtant au fil de l’aventure, les personnages laissent entrevoir leur personnalité et apprennent à vivre ensemble. Enfin c’est ce que pense le lecteur avant de lire la fin de ce premier album où l’histoire bascule.
Les sentiments des personnages envers leur pays sont très bien étudiés. Les participants au camp ne sont pas endoctrinés et découvrent parfois avec stupeur des images de la glorieuse Russie où des histoires racontées autour du feu de camp les plongent dans la terreur.
La vie d’un camp est très bien racontée également, où au début les jeunes ne se connaissent pas et au fil de l’aventure des amitiés se créent dans le camp.
Le scénariste Aurélien Ducoudray, nous emmène donc à la découverte d’une partie de la Russie non loin de la résidence d’été de Vladimir Poutine dans laquelle il vient se reposer de temps en temps. C’est d’ailleurs le prétexte de ce Camp Poutine avec comme premier prix une rencontre avec le président russe.
Les dessins sont très bien dosés avec des graphismes particulièrement soignés sur les expressions faciales des personnages et des cadrages de vignettes qui quand l’action le demande, enrichie le scénario.
Il n’en reste pas moins quelques mystères, qui sont vraiment les responsables du camp, quels sont leurs passés, leur but, et pourquoi Katyusha souhaite-t-elle temps rencontrer Vladimir Poutine ?
Camp Poutine – Tome 2 : une plongée au cœur d’une partie de la Russie historique
Pour Katyusha, les vacances au Camp Poutine sont encore plus mouvementées que prévu ! Prise en grippe par Anton, qui a monté les autres enfants du camp contre elle, la jeune fille a dû s’enfuir avec ses amis Gennady et Kirill pour éviter d’être lynchée.
Réfugiés dans un cimetière abandonné, les trois fujitifs font la connaissance de Volkoff, accompagné par son ours Staline, qui va les aider à affronter de nouveaux dangers. Mais la route s’annonce encore longue et le camp Poutine est loin d’avoir livré tous ses secrets.
Les auteurs avec ce tome 2, ont trompé volontairement les lecteurs et s’amusent même à les mettre sur de fausses pistes. On peut s’attendre à tout, à tout moment dans ce deuxième volume, mais chaque réaction des personnages trouve une explication y compris des scènes dans le volume 1 sur lesquels le lecteur n’avait pas prêté attention et qui finalement trouvent une explication.
Les personnalités des personnages sont fouillées encore un peu plus et enfin on découvre ce qui se trame dans le camp Poutine.
Surtout des personnages secondaires, s’affirment durant cet album. Les auteurs font voyager le lecteur également dans une partie de l’Histoire de la Russie. Ce cimetière abandonné, n’est autre que celui des prisonniers sortis des goulags et qui n’avaient pas le droit de revenir chez eux et qui s’installèrent dans un coin éloigné dans la montagne.
Le même souci de travail sur les expressions des personnages se retrouve dans ce deuxième volume avec toujours autant de couleurs chatoyantes. D’ailleurs, ce deuxième volume est assorti de quelques gags qui font leurs effets même si dans le premier il y en avait déjà quelques-uns mais finalement le second volume est un poil (d’ours) plus drôle.
Un scénariste qui décrit le sort des plus démunis
Aurélien Ducoudray est un photographe de presse, journaliste de presse écrite et TV, auquel on doit de nombreux documentaires. Véritable touche à tout, il va signer de véritables fables sociétales acerbes autour de sujets très variés, que ce soit avec The Grocery (Ankama édition) ou plus récemment L’anniversaire de Kim Jong-II (Delcourt).
Aurélien Ducoudray s’attache à dépeindre avec une précision journalistique le quotidien des plus démunis à travers le globe.
Chez Grand Angle, il signe aux côtés de la dessinatrice Anlor, le diptyque Amère Russie en 2014, qui relate l’épopée d’une mère à la recherche de son fils disparu en Tchétchénie, ainsi que À coucher dehors en 2016, un récit touchant et poétique autour de la rencontre d’un sans-abri et de son neveu trisomique.

Camp Poutine est l’une des BD dont la chronique fût la plus difficile à réaliser pour deux aspects. Le premier tient tout d’abord dans le titre lui-même où il est question d’un président toujours en exercice. Je ne voulais pas que ma chronique vante le mérite de Vladimir Poutine ou a contrario critique sa politique nationale et internationale. C’est la raison pour laquelle j’ai insisté sur le fait que cette bande dessinée était le point de vue de leurs auteurs.
Deuxièmement, la construction et surtout le découpage des deux volumes, comme je l’ai dit précédemment peuvent induire le lecteur dans l’erreur. J’avais lu le premier tome à sa sortie et je m’étais imaginé une suite qui finalement est très loin de ce que les auteurs ont réalisé dans le second album.
Néanmoins cette BD est agréable à lire et il me semble qu’il faut la prendre comme une fiction avec des passages de témoignages de vie des personnes humbles comme sait si bien le faire Aurélien Ducoudray.
Camp Poutine – Tome 1 est disponible aux éditions Grand Angle et comprend 54 pages.
Camp Poutine – Tome 2 est disponible aux éditions Grand Angle et comprend 48 pages.
À commander de préférence chez votre libraire ou bédéiste préféré, rebondissements garantis !