Les soignants ne veulent plus d’un hôpital géré comme une entreprise
Les « soignants », c’est ainsi qu’on les appelle maintenant ont manifesté pour la première fois depuis le Covid-19. Revalorisation des salaires, abandon des suppressions de lits et recrutement en nombre étaient les maîtres mots de cette première journée de mobilisation qui en appellent d’autres.
À Nîmes, comme partout en France, ils ont été applaudis des jours durant, pendant le confinement, les remerciant de ce qu’ils faisaient pour nous. Épuisés, harassés, eux même contaminés par le coronavirus, ils n’ont pas failli.
Hier, ils ont demandé leur dû et pas seulement une médaille ou une reconnaissance le 14 juillet.
Les personnels hospitaliers du CHU de Nîmes ont commencé à manifester à 11 heures devant Carémeau, puis ont rejoint leurs confrères de Serre-Cavalier et du CH du Grau-du-Roi à 14 h30 pour manifester leur colère. Ces blouses blanches demandent la même prime pour tous, 1500 euros, (car certains y ont le droit d’autres sont plafonnés à 500, d’autres enfin ne sont simplement pas éligibles). Ils exigent par ailleurs une revalorisation de leurs salaires, et surtout la fin des fermetures de lits et de services.
Un Ségur de la Santé
Voyant la grogne du personnel hospitalier, Olivier Véran, ministre de la Santé et des Solidarités organise un « Ségur de la Santé », un grand questionnaire est proposé aux personnels médicaux pour mettre sur la table tous les dysfonctionnements et proposer un grand plan de refondation de l’hôpital en même temps que des tables-rondes.
Consultations, grand débat, Ségur, toute une terminologie pour dire organisation d’une table ronde entre les professionnels, syndicats et l’exécutif. Sur le papier cela pourrait paraître joli, or, il n’en est rien. Car si hier partout en France, les manifestations se sont multipliées, c’est que le malaise est bien plus profond.
Fermeture de lits [1], quand ce ne sont pas des hôpitaux et en particulier des maternités (le collectif « Hôpital de Dié » [2] s’est battu des mois durant pour conserver sa maternité, -en 40 ans 60 % d’entre elles ont été fermées-), non remplacements de postes, non revalorisation des salaires, tarification à l’acte, développement du déambulatoire jugé maltraitant pour leurs patients par les personnels de santé eux même, course à la rentabilité, les services médicaux sont sous tensions et ce depuis presque dix ans. [3]
Les différents plans santé ont amené à cette crise profonde
Pour faire ce que l’hôpital public est devenu, celui-ci a connu depuis le début des années 2000, de nombreux plans de restructuration. On pourra citer « Hôpital 2007 », institué par Jean-François Mattéi, puis LE PACTE DE CONFIANCE AVEC LES HOSPITALIERS (2012) par Marysol Touraine [4]. Et en général, cela ne va jamais dans le bon sens.
L’exemple le plus frappant sur cette gestion comptable est durant le Covid-19, à Nancy, l’annonce de la suppression de 479 postes avaient mis le feu aux poudres [5].
Tout de suite arrêté par le ministre de la Santé on le croyait enterré, mais il y a quelques semaines une note confirmait ces suppressions. C’en était trop. D’ailleurs, même si le directeur de l’ARS du Grand-est a été limogé, il n’en demeure pas moins que selon l’Est républicain, 1100 suppressions de postes seraient prévues à l’horizon 2033.
Cette pression budgétaire, les soignants n’en veulent plus, eux qui ont été sacrifiés sur l’autel de l’économie souhaitent ne plus voir passer des « clients » mais retrouver des patients. Pas sûr que le Ségur, ce mammouth sur le papier dont le nom pompeux est « refondation de l’hôpital » n’accouche pas une fois de plus d’une souris.
[1] Nombre de lits installés en hospitalisation complète. INSEE T16F092T6
Au 31 décembre | 1998 | 2003 | 2012 | 2013 |
Secteur public | 313 315 | 305 297 | 258 158 | 256 957 |
Total | 488 710 | 465 702 | 414 840 | 413 206 |
Champ : y c. service de santé des armées et y c. Mayotte à partir de 2012.
Source : Drees.
[2] https://twitter.com/ColHopitaldie