Illusion d’éternel

En ces moments tourmentés Jullien Pacioni-Dorna offre un moment de répit, une pause littéraire et poétique bienvenue. L’illusion d’éternel à travers les Nymphéas de Claude Monet.

 

 

Certains paysages demeurent à jamais étranges, comme insondables. On les voit, on les observe attentivement, ils paraissent nous envoûter un instant, sorciers de fascination. Les changements qu’ils connaissent nous demeurent invisibles, inconnus. Nous projetons sur eux une immuabilité fantasmée. Nous oublions bien vite la vie qui se cache derrière ces nymphéas, ces insectes dont les pattes dansent sur les feuilles aussi vertes que fraîches, ces grenouilles bien lourdes et pourtant agiles.

 

Nous oublions tout ça. Seul l’illusion de l’éternel demeure. Les nymphéas sont là, ils le resteront toujours. Et peut-être avons-nous raison de les considérer comme permanents. Sans doute cette réaction est des plus bénéfiques. Car elle nous rassure. Elle nous donne un point d’ancrage, un refuge dans un monde où l’éphémère règne en despote sur tout lieu.

 

Malgré les crises que nous traversons, malgré ces renvois parfois brutaux à notre caractère passager, il y aura toujours dans nos vies ces paysages rassurants prêts à nous accueillir. Ils demeureront là, impassibles face aux maladies qui nous rongent et nous dévorent. Ils demeureront là pour nous rappeler que tout est éphémère.

 

Nous partirons un jour. Mais le reste aussi. La crise que nous traversons est tout aussi éphémère que le reste. Elle finira. Tout ne redeviendra pas normal, certes. Le monde changera sûrement, suivra d’autres directions ou poursuivra sur le même chemin ; nous changerons aussi, mais il demeura ce lac discret et protégé pour nous retrouver, nous rassurer. Il nous faut seulement attendre, un peu, être patient. Rester sur notre nénuphar et prendre soin de nous pour mieux replonger ensuite. Attendre que disparaisse le mal.

 

Il n’est au fond qu’une seule chose immuable, qu’une phrase : cela aussi passera. Cela aussi passera. Mais en attendant, feignons l’éternel.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d blogueurs aiment cette page :