L’eSport : un levier de croissance économique pour la région Occitanie ?

Le monde du jeu vidéo est en pleine évolution. Une émergence s’est fait jour avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication et le développement de l’internet : le monde de l’eSport.

Autrefois, pour les plus anciens, les jeux vidéo se résumaient en parties en solo ou à plusieurs en local. Par exemple la console de Nintendo la Gamecube pouvait supporter le branchement de quatre manettes pour se faire des parties de Mario Kart entre potes.

Dorénavant tout a changé. Dans quasiment chaque jeu vidéo, là où c’est possible, un mode compétitif apparaît.

Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, déclarait le 6 juin 2019 concernant l’événement de l’Occitanie eSports qui avait lieu du 21 au 23 juin à l’Arena de Montpellier : «  L’Occitanie eSports doit être une référence pour les gamers et pour les professionnels. Je veux faire de l’Occitanie une grande terre de l’eSport. Cette filière doit devenir demain un secteur économique de poids en région. »

Comment est perçu l’eSport en France ? Comment est organisé actuellement l’eSport en France ? Comment devenir un gamer professionnel ? Quels sont les enjeux économiques de l’eSport ? Carole Delga a-t-elle raison de suivre le chemin de l’eSport ?

La comparaison entre la pratique du sport et de l’eSport

Le quotidien « L’équipe », journal de référence en France sur le sport, sur son site internet, régulièrement, publie des articles sur des événements ou des acteurs du monde de l’eSport. Pourtant sous un de ces articles, j’ai pu lire une fois le commentaire d’un lecteur qui disait ceci : « Cela n’a rien à faire dans un journal de sport ». Ce lecteur a-t-il raison ?

De nombreux liens existent entre le monde du sport et de l’eSport. Je n’en citerai que quelques-uns : la passion, l’entraînement, la compétition et l’esprit d’équipe. Ces quatre notions sont communes aux deux.

D’ailleurs de nombreux sportifs jouent à des jeux vidéo. Antoine Griezmann, par exemple, joue régulièrement à Fifa et en voici la preuve à travers une vidéo dans laquelle il fait une partie contre un youtubeur suisse.

D’autres lors de rassemblements jouent à des jeux vidéo comme le démontrait nos confrères de “L’équipe” dans un de leurs articles https://www.lequipe.fr/Jeuxvideo/Actualites/Ces-jeux-video-qu-affectionnent-les-sportifs/869798

La chaîne sportive beIN Sport a dans sa grille de programmation une émission hebdomadaire nommée beIN eSports présentée par Laure Valée et Tweekz le lundi à 20h30 dans laquelle les deux animateurs donnent des nouvelles sur les compétitions en cours, des résultats, reçoivent des invités et des reportages sont diffusés pendant l’émission.

En marge de cela, pendant toute la saison du jeu Fifa, Bruce Grannec, trois fois champion du monde sur Fifa et une fois sur Pro Evolution Soccer et Mahmoud Gassama, présentent, toujours sur la même chaîne, tous les samedi à 22 heures, un magazine de 26 minutes intitulé beIN Orange e-Ligue 1. Ils ont même eu le privilège de commenter sur la chaîne le match de football entre le PSG et l’OGC Nice le samedi 4 mai à 17 heures à la place des commentateurs habituels. Cela démontre une fois de plus le lien entre le sport réel et le sport virtuel.

Alors, concrètement, non, ce lecteur a tort et “L’équipe” a raison de donner régulièrement à ses lecteurs des nouvelles du monde de l’eSport. Un guide a été réalisé par le journal pour l’année 2019. Celui-ci explique sur les jeux principaux, le fonctionnement de chaque jeu, les compétitions et met en avant un acteur majeur ou une équipe à suivre en 2019. https://www.lequipe.fr/special/Esport/guide/v3/esport-2019/

Quel est le profil des passionnés d’eSport ?

L’association France eSports rassemble les plus grands acteurs de l’eSport en France. 

Le 30 septembre 2018, l’association a présenté le tout premier baromètre, réalisé par Médiamétrie, une entreprise chargée de mesurer et d’analyser les comportements du public, ainsi que les tendances du marché.

Ils ont étudié 4000 individus de plus de 15 ans sur quatre pôles :

  • Les profils des consommateurs d’eSport
  • Les types de jeux compétitifs suivis par les eSports amateurs
  • Les jeux des pratiquants d’eSport
  • Les activités physiques et culturelles des pratiquants d’eSport

Le résultat de cette étude est disponible via ce lien : https://gamewave.fr/esport/les-premieres-statistiques-de-l-esport-en-france/

Il en ressort de celle-ci que cinq millions de personnes ont regardé de l’eSport sur internet, à la télévision ou lors d’un événement. Deux millions de joueurs pratiquent des compétitions en ligne, un million cent pour le plaisir et neuf cent mille en tant qu’eSportif amateur.

72 % pour sont des hommes et 28 % des femmes. La plus grosse surprise concerne la tranche d’âge car c’est celle des 35-49 ans qui représente la plus grande part avec 33 %, devant les 25-34 ans avec 27 % et les 15-24 ans avec 24 %. Comment expliquer cela, tout simplement le jeu vidéo n’est pas né d’aujourd’hui, la tranche des 35-49 ans représente ceux qui ont joué aux jeux vidéo lorsqu’ils étaient enfants sur des consoles ou des ordinateurs et qui ont suivi le mouvement de l’eSport.

Les quatre grandes familles de jeux pratiqués sont dans l’ordre, les arènes de bataille (58 %), le sport (51 %), le tir (40 %) et les cartes (37 %).

Les jeux pratiqués par les joueurs sont ceux de 2018 pour certains mais on retrouve des incontournables, Fifa (1ère place), League of Legends (2nde place), Counter Strike (4è place), Fornite (5è place), Mario Kart 8 (6è place), Overwatch (8è place), World of Warcraft (9è place). Ce classement a certainement évolué avec l’arrivée entre autres d’Apex Legends ou PUBG.

Enfin, selon l’étude, les activités physiques et culturelles sont davantage présentes chez les pratiquants d’eSport, que sur l’ensemble des internautes interrogés. On pourrait croire que le joueur reste les trois quarts du temps cloué à son ordinateur, mais cela n’est rien de moins qu’un cliché. Les joueurs sortent énormément pour se détendre ou bien pour prendre un moment avec des amis lors de rencontres dans des bars ou dans des salles de concert.

L’eSport se fédère en France

L’association France eSports est une association loi 1901 à but non lucratif qui se donne pour objectif de rassembler les acteurs de sport électronique en France, afin de leur offrir une plateforme de collaboration efficace et un canal de communication fédérée – qu’ils soient Joueurs, Promoteurs, ou Créateurs-Éditeurs de jeux.

Dans le cadre d’une collaboration globale entre France eSports et le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), la seconde édition du colloque « Innovation Sport » a pris place durant une demi-journée, le jeudi 6 juin, afin de développer le rapprochement entre les mouvements Olympique et sportif et l’industrie eSportive.

À la suite de ces échanges, une convention, en cours d’élaboration, sera signée entre le CNOSF et France eSports.

Une preuve de plus que les mondes du sport et de l’eSport peuvent et doivent se rapprocher.

Quels sont les tournois où les récompenses monétaires sont les plus importantes ?

Jens Hilgers, entrepreneur en eSport depuis 1997 et fondateur de plusieurs équipes et organisateur d’événements a créé selon un modèle économique basé sur les récompenses annuelles données lors des tournois et en fonction de la répercussion de ceux-ci sur le public, un classement en trois parties des principaux jeux à travers le monde. La source de ce document est le Media Reports eSportsearnings.

Un classement en dollars depuis le début des lancements des tournois a été réalisé en 2018 par Ginx eSport TV.

On retrouve le classement suivant :

1 – Dota : 144 625 863,37 $

2 – Counter-Strike : 70 519 136,31 $

3 – League of Legends : 53 483 008,48 $

4 – StarCraft : 34 312 364,75 $

5 – Call of Duty : 17 807 918,43 $

6 – Heartstone : 12 237 158,89 $

7 – Halo : 11 678 747,62 $

8 – Overwatch : 8 431 709,96 $

9 – Smite : 8 391 112,75 $

10 – Super Smash Bros : 4 389 485,44 $

Comment sont-organisés les tournois d’eSport ?

Il y a tout d’abord un aspect légal en France à respecter. Toute organisation de compétition de jeux vidéo et de participation de mineurs à ces compétitions est réglementée par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

Cette loi définit en substance, quelles compétitions peuvent être organisées, comment déclarer une compétition physique de jeux vidéo, qui peut participer à une compétition de jeux vidéo et un laïus sur les compétitions se déroulant intégralement ou partiellement en ligne.

Il existe les tournois locaux qui attireront foule d’équipes, de joueurs mais aussi de specta­teurs en fonction des jeux choisis comme les jeux de sport (FIFA), les jeux de combat (Street), les FPS (jeu de tir à la première personne comme Counter Strike ou encore Call Of Duty) mais surtout les Battle Royale (jeu de tir dont le but est d’être l’unique survivant comme Fortnite) et les MOBA (jeux dans lesquels on protège une base en incarnant un héros comme dans League Of Legends).

Les équipes de joueurs profes­sionnels sont très impor­tantes et doivent être choisies avec soin. En effet, ces stars du jeu vidéo ont une grande influence sur la parti­ci­pation, l’implication et l’ambiance pour les specta­teurs d’un tournoi local.

Et puis, il y a les tournois organisés par des spécialistes tels que l’ESL, l’organisateur du dernier tournoi CS : GO à Montpellier. ESL est la plus grande société eSports au monde avec les IEM, ESL One, ESL Pro League, ESL CN, GO4 sur League of Legends, Fifa, CS : GO, Overwatch…

Qui participent à ces tournois professionnels ?

Des équipes et des associations avec des joueurs professionnels. Les équipes et les associations ne sont pas aussi fermées qu’on le pense souvent, et cherchent activement à recruter des talents : le tout est de savoir se mettre en valeur !

Alors comment devenir un eSportif performant ?

Pour devenir meilleur, il faut s’entraîner régulièrement et en principe choisir un type de jeux et de préférence un jeu en particulier.

Tous les gamers professionnels passent par de longues séances d’entraînement quotidiennes. Ils apprennent de leurs erreurs et découvrent souvent des ressources souvent cachées qu’ils ne soupçonnaient pas eux-mêmes.

Ne faut-il pas avoir des caractéristiques particulières ?

Les gamers professionnels ont un talent pour les jeux vidéo, c’est certain. Des réflexes, une capacité à réfléchir plus vite que les autres, à anticiper les actions de son adversaire et une donnée non négligeable pour ceux qui intègrent une team, la vie en communauté. Il est donc certain que pour posséder toutes ces caractéristiques, en règle générale, le gamer professionnel est plutôt dans la tranche des 20 – 30 ans que des quinquagénaires.

Alors n’importe qui peut réussir ?

Oui et non. Faisons une comparaison avec un jeune joueur d’un centre de formation d’un club de football comme celui de Montpellier ou de Nîmes. Tous rêvent d’être footballeurs professionnels mais très peu réussissent. Pourtant ils ont tous du talent, des capacités hors normes mais il faut aussi un facteur chance.

Beaucoup de compétition fleurissent dans des événements locaux et internationaux autour de titres qui sont joués par des millions de personnes. Je pense évidemment à Fornite mais également aux jeux de combat comme Mortal Kombat 11.

Et il y a aussi des compétitions qui permettent de se qualifier pour de plus grandes compétitions à l’intérieur du jeu. Prenons l’exemple de Fifa. Depuis le dernier opus, à condition de se qualifier, chaque joueur peut participer à une compétition en ligne, FUT Champions, qui met en concurrence tous les joueurs de la planète. Les meilleurs se voient attribuer des points pros qui leur permettent d’accéder aux tournois qualificatifs.

La part de chance, provient évidemment du matchmaking, qui est le tirage au sort contre l’adversaire que vous allez affronter. Tomber sur un joueur professionnel, et alors le rêve de marquer des points s’envolent.

Autre notion importante, c’est le budget consacré pour devenir le meilleur. Plus vous mettez d’argent dans le jeu, plus votre équipe devient compétitive. Il y a aussi le matériel gaming qui permet d’avoir un avantage sur son adversaire. En réalité rien n’est simple, il faut de la persévérance.

Existe-t-il des moyens pour progresser plus rapidement ?

La chaîne de magasin spécialisé Micromania-Zing vient de s’associer avec Gaming Campus, le 1er campus étudiant en Europe dédié à l’industrie du jeu vidéo pour créer la « Gaming School » : l’école de jeu vidéo.

Elle s’adresse à l’ensemble des 74% des Français, adeptes des jeux vidéo. Qu’ils soient novices ou expérimentés, les « élèves » peuvent, selon leurs niveaux et leurs pratiques, assimiler les bases d’un jeu, être accompagnés pour progresser et évoluer plus rapidement, comprendre les bons usages du jeu vidéo ou encore suivre un coaching intensif pour optimiser leurs performances et leurs classements.

Sur le même modèle qu’une école de danse ou de musique, la Gaming School suit une démarche pédagogique et dispose d’une équipe d’enseignement spécialisée. Cette expertise pédagogique est assurée par le Gaming Campus, qui forme à tous les métiers de l’industrie du jeu vidéo ainsi que des athlètes eSportifs professionnels. La Gaming School rassemble ainsi 15 professeurs, chacun spécialisé dans un jeu.

Les cours, qui s’adaptent au niveau des joueurs et à leur rythme via un parcours de formation intelligent, porteront sur les jeux Fortnite, League of Legends, PlayerUnknown’s Battlegrounds (PUBG) et Hearthstone.

Cette nouveauté en France, est plus un levier de croissance pour une chaîne de magasins spécialisés qui cherche des solutions pour pallier le manque à gagner dû à la dématérialisation des jeux vidéo qu’à une réelle volonté de former de futurs joueurs professionnels.

Ce service est payant et peut-être très utile pour progresser mais certainement pas pour devenir le meilleur.

Quels sont les enjeux économiques de l’eSport ?

Newzoo, un cabinet de recherche spécialisé dans les jeux vidéo, a publié en 2015 un rapport estimant que les chiffres d’affaires générés par les compétitions de sport électronique devraient être compris entre 465 millions et un milliard d’euros d’ici 2017, contre 130 millions en 2012.

Les prévisions pour 2020 se chiffrent entre un et trois milliards d’euros. Difficile, dans ces circonstances, de ne pas comprendre les enjeux économiques de l’eSport et l’intérêt des sponsors et partenaires dans ce domaine.

Soutenant un joueur ou une équipe par l’achat de matériel, le paiement d’un salaire ou de frais de transport, ces sponsors bénéficient en échange d’une visibilité accrue.

La croissance du marché de l’eSport a été soulignée à de nombreuses reprises par la plupart des grands cabinets d’audits internationaux. Il existe aujourd’hui une corrélation entre assez une forte demande, des investissements de plus en plus nombreux, des revenus importants et des emplois créés.

Bien que des phénomènes de bulle puissent apparaître dans certains domaines, il est aujourd’hui incontestable que l’eSport est un secteur en pleine expansion et se développe sur des bases solides, fondamentales, avec la volonté des pouvoirs publics de faire évoluer les choses.

Il est donc logique qu’une concurrence internationale s’installe. Attirer des événements majeurs, des entreprises et des investissements internationaux sera bénéfique pour l’économie française, mais à l’heure actuelle, la France est dans une situation paradoxale en ce qu’elle est clairement une « terre » de l’eSport, avec un public considérable et reconnu pour sa passion, avec des évènements notables (par ex. la finale de l’ESL Pro League CS : GO à Montpellier) et avec un réseau fibré en plein développement, tout en restant en retrait par rapport à des pays comme l’Allemagne, la Suède ou les Etats-Unis.

C’est en ce sens que le rôle des pouvoirs publics sera primordial pour favoriser l’attractivité de la France à l’heure de l’explosion de l’eSport.

L’Occitanie qui accueille sur son territoire, l’un des plus grands éditeurs de jeux vidéo, Ubisoft, a tout intérêt à se lancer dans l’aventure de l’eSport et de faire de Montpellier, la capitale du jeu vidéo en France.

Le succès de la seconde édition de l’Occitanie Esports 2019 qui s’est tenue du 21 au 23 juin à l’Arena de Montpellier, avec plus de 10 000 visiteurs et 700 joueurs au rendez-vous et une affluence record sur Twitch, démontre que l’Occitanie est capable d’organiser de grand rendez-vous.

Alors, oui, Carole Delaga a raison, l’Occitanie doit être une grande terre de l’eSport en France car cette filière est l’avenir de l’économie numérique de demain.

 

 

 

 

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