William Vidal : De l’ombre à la lumière
Avec un recueil entièrement consacré à des photos prises de sa fenêtre dans le centre-ville de Nîmes, William Vidal avec Ombres revient à sa passion première : la photographie. Au fil d’une centaine de clichés, l’ombre des passants devient la matière principale de l’œuvre et ce qui intéresse l’artiste n’est paradoxalement pas ce que l’on voit, mais l’ombre de ce que l’on voit.
L’auteur en précise l’idée : « Granville [1] est un caricaturiste, son croquis « passants vus d’un troisième étage » m’a inspiré et, dès que j’ai regardé ma première photo, je me suis rendu compte que l’ombre était plus importante que le personnage ».
Les dalles de travertin inondées de soleil font dresser des silhouettes noires comme les personnages d’un théâtre d’ombre. William Vidal, écrivain et photographe a ressuscité cet art populaire vieux de plusieurs millénaires. Unique observateur du spectacle qui se déroule sous sa fenêtre, l’artiste ne se lasse pas de mitrailler pacifiquement les acteurs éphémères d’une représentation passagère. Sur ses photos le sol devient écran, et le soleil de l’après-midi le faisceau lumineux qui projette les passants comme des acteurs inattendus.

Sur les 100 à 400 photos prises par jour pendant quatre mois une centaine a été sélectionnée. Les quarante premières sont sous-titrées et défilent devant nos yeux comme la projection d’un film muet racontant la rue. « D’abord il n’y a rien… puis une ombre… et le landau devint navire… Un sous-titre indique aussi un détail qui aurait pu échapper au lecteur « et l’eau se change en vin.. », ou telle autre deux pages plus loin : « une ombre venue d’on ne sait où désigne je ne sais quoi ».

Temporiser son regard
On prend plaisir à feuilleter ce livre comme un « folioscope [2] au ralenti » jusqu’au moment où l’auteur nous prévient que les autres photos ne comporteront aucune indication. « J’en ai mis au début pour donner un peu de clarté au recueil….sans l’œil du spectateur, le travail de l’artiste ne servirait pas à grand-chose ». Le photographe nous oblige alors à changer le folioscope en livre d’art, en séquences filmées image par image. Il nous invite à détailler les ombres pour y noter notre propre interprétation. Avant que le livre ne se ferme, petit à petit la rue se vide doucement, les ombres reviendront à la nuit tombée, plus versatiles que celles venues du soleil ».
Ce recueil réussit à rendre le « spec-acteur », et par-delà une écriture provocatrice, ces clichés recèlent une réelle poésie. Derrière le regard malicieux de William Vidal se cache un poète, un photographe et un écrivain sensible que chacun prendra plaisir à découvrir ou à redécouvrir.

Ombres, Editions de l’enclave, est disponible par commande sur wvaugustino@gmail.com. (15 euros) L’auteur précise qu’il est aussi possible d’obtenir un ou plusieurs clichés à la demande.
Bibliographie :
La véritable histoire de Nîmes, Editions RIRESC, 2004.
Nocturnes, Editions RIRESC, 2009.
Les chants de l’âge adulte, illustrations Christian Jullian, compte d’auteur, 2011.
Nemausus blues, Editions de l’Enclave, 2012.
Les poèmes de l’ombre, Editions RIRESC, 2018.
[1] De son vrai nom Jean Ignace Isidore Gérard, Granville (1803-1847) est un caricaturiste
[2] En 1860, sans doute inventés par le Français Pierre-Hubert Desvignes, on voit apparaître de drôles de petits livres qu’on appelle des folioscopes (du latin folium, la “feuille”, et du grec ancien skopein, “observer”), ou encore des flip books, qui fonctionnent sur le principe très simple de l’effeuillage rapide avec le pouce d’une série empilée de vignettes dessinées dont la succession donne l’illusion d’un mouvement continu (Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, coll. « Cinéma », 2010.)
Merci Joshen et bravo William.
Dans ce spectacle d’Ombres Nimoises le geste devient pur, débarrassé des matières et couleurs.